Monsieur le Président, cher Pair et cher confrère,
Vous m’avez adressé un e-courrier en date du 10 avril 2019. Vous y indiquez que l’Ordre appelle les médecins à attendre les résultats des tests prouvant ou non l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement des patients atteints de Covid 19.
Vous mettez en cause l’Académie de Médecine qui donnerait les mêmes appels à délais. Pourtant, je porte à votre connaissance le fait que plusieurs membres de cette honorable institution ont pris, en public et sans cacher leur appartenance à l’Académie, des positions totalement contraires. Vous en appelez aussi au comité scientifique du Collège national des généralistes enseignants mais vous omettez de dire que d’autres scientifiques, bien plus au fait de l’infectiologie et de la virologie que les membres de ce comité, prônent une attitude totalement contraire.
Pour le fond, vous ne nous appelez pas à la prudence mais bel et bien à attendre les résultats des essais en cours. Vous sortez de votre rôle. Le serment d’Hippocrate place le médecin seul face à la maladie et à son malade. Vous serez là pour juger le médecin qui a commis le crime de prescrire un médicament hors AMM en cas de plainte de son malade ou de ses héritiers. Mais vous n’avez pas à interdire au médecin d’exercer son art en son âme et conscience. Je ne permets à personne, ni à vous, ni au ministre, ni au président de l’Académie, ni au Pape, ni à ma concierge de me dire ce que je dois ou ne dois pas prescrire.
Un courrier conforme de votre part aurait dû être plus nuancé. Vous auriez pu dire : “dans l’attente d’éléments probants de l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid 19, l’Ordre, comme beaucoup d’experts et de comités, recommande la plus grande prudence dans l’usage de ce médicament”.
Dans le même temps, vous parlez d’être solidaire avec nous. Qu’avez-vous fait face au décret du 25 mars qui dénonce les médecins comme étant des “sous-médecins” mal éduqués, mal informés, incapables de rédiger une Ordonnance en tenant compte des contre-indications et des mises en garde ? Ce décret interdit aux généralistes la prescription de Plaquenil®. Je n’ai pas lu, ou appris que des événements récents aient montré l’apparition d’un risque, jusque-là ignoré, qui oblige à réserver la prescription de Plaquenil® à certains spécialistes. Non. On nous autorise à prescrire des AINS dont la dangerosité pour les patients Covid positifs a été montrée et on nous interdit la prescription d’hydroxychloroquine dont aucune dangerosité nouvelle n’a été démontrée. Nous ne sommes pas des sous-médecins et nous sommes capables de rédiger une ordonnance. J’aurais aimé que vous rappeliez fermement ce point au ministre. Il peut nous dire de ne pas prescrire d’hydroxychloroquine, mais il n’a pas le droit de nous l’interdire. Sinon, où irons-nous ? Aujourd’hui à cause d’une médiatisation excessive, demain à cause d’un prix excessif, après-demain parce que cela ne plait pas au gouvernement ou à un de ses membres ?
Enfin, sur le plan philosophique, je ne comprends pas pourquoi il faudrait attendre le résultat des tests d’efficacité ? En vous associant à l’interdiction de la prescription d’un médicament ancien, diffusé à des millions (des milliards) de patients vous prenez le risque, si par malheur pour vous, les tests montrent une efficacité quelconque, d’être tenus pour responsables des décès survenus dans l’intervalle.
Je vous renvoie aux classiques. Ce n’est pas long. Lisez la deuxième scène de l’acte deux de l'”Amour médecin” de Molière. Il semble que, malgré cette critique, quatre siècles après, rien n’a changé.
J’espère de tout cœur que vous tiendrez compte de ce courrier d’un médecin triste d’être bafoué par le ministre et triste de ne pas se sentir soutenu par l’Ordre.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, cher Pair et cher confrère, à l’expression de mes salutations respectueuses.