Laisser la liberté de prescription aux médecins en période de crise : Pourquoi ?

L’exemple de l’hydroxychloroquine ?

Par Jean Calop, professeur émérite faculté de pharmacie de Grenoble, membre de l’académie nationale de pharmacie

Il faut faire court et la surinformation permet à chacun de connaitre le débat sur l’hydroxychloroquine qui sème le doute dans les populations. Il pose le problème de la liberté de prescription et nous vous proposons quelques réflexions d’un pharmacien.

Les générations d’après-guerre (à laquelle j’appartiens) ont vu naitre les procédures, l’assurance qualité et ses différents stades, l’accréditation et la certification des hôpitaux, le comité de protection des personnes, la CNIL, les référentiels, la certification et les procédures qui en découlent, le comité d’éthique, les conflits d’intérêt, les homologations, le principe de précaution, l’impact factor, l’h index, les agréments, les ATU (autorisation temporaire d’utilisation), les retours d’expériences, le secret professionnel, les normes AFNOR, les référentiels, les bonnes pratiques, la pharmacovigilance etc.. Il y en a pour tout le monde, signe qu’une nation s’intéresse à la qualité des services, des produits et de la communication scientifique ! Dans un contexte d’urgence les applications de ces concepts, ralentissent considérablement un ensemble d’actions et de décisions. Lorsqu’il y a des urgences, les voitures prioritaires comme les ambulances, le SAMU, celles des pompiers, de la police transgressent certaines règles prioritaires en utilisant le gyrophare, la sirène, pour répondre à l’urgence. Les automobilistes participent à la fluidité de leur circulation en laissant le passage.

Quelles ont été les justifications du non accès pour les généralistes à la prescription dans le COVID 19 :

1 – Méthodologie comparative des essais cliniques du Pr Raoult et de l’essai multicentrique DISCOVERY : Une s’est faite dans l’urgence avec des « pin-pons » certes qui dérangent ; D.Raoult est parti le premier, il en faut un ! Ces études cliniques poursuivent les mêmes objectifs mais les méthodologies sont différentes : sans parler d’essai randomisé, l’une associe très rapidement dès que le dépistage est réalisé, un antiinflammatoire antiviral (l’hydroxychloroquine) et un antibiotique de la classe des macrolides (c’est-à-dire deux médicaments). L’autre avec une méthodologie plus rigoureuse mais plus compliquée et plus longue à mettre en place, l’étude Discovery traite les patients dans la phase d’hospitalisation, plus tard et avec l’hydroxychloroquine seule. Les résultats ne peuvent pas être comparés. L’essai du Pr Raoult a le mérite d’avoir ouvert un chemin et d’accélérer la mise en place d’autres études. Nous prendrons connaissance des résultats définitifs plus tard sur le rôle de l’hydroxychloroquine dans le couple prescrit.

2 – l’argument celui des effets indésirables de l’hydroxychloroquine. Les responsables de la pharmacovigilance médecins et pharmaciens sont chargés de mettre les panneaux de signalisation. Ces panneaux existent pour l’hydroxychloroquine depuis des dizaines d’années. Ils doivent et ont été pris en compte par l’équipe du Pr Raoult et auraient été respectés par les médecins généralistes aidés en cela par les pharmaciens

3 – Les interactions médicamenteuses entre azithromycine et hydroxychloroquine. Oui il existe entre ces deux médicaments des interactions médicamenteuses ! pour presque chaque médicament il en existe ! entre ces deux produits le niveau de gravité est « à déconseiller » et non « contre indiquée ». Donc, il oblige à une surveillance du rythme cardiaque et du potassium. De la même façon pour reprendre l’exemple de la circulation automobile des interactions entre automobiles existent et pourtant en respectant les règles de prudence la destination fixée au départ est atteinte par la majorité des automobilistes.

Pour les amateurs de « procédures » précisons : 1 – que la prescription d’un médicament est réalisée par un conducteur agréé avec un permis de conduire (docteur en médecine) souvent aidé par un copilote (le pharmacien qui dispense et valide une prescription), 2 – il conduit une voiture répondant aux normes de sécurité (médicament avec Autorisation de Mise sur le Marché) et 3 – un code de la route pour éviter des accidents et signaler des zones dangereuses (les pharmaco vigilants). Rajoutons que pour piloter, les médecins généralistes disposent de logiciels d’aide à la prescription (les L.A.P) et pour les pharmaciens les logiciels d’aide à la dispensation (les L.A.D) qui donnent des alertes.

Il convient à notre sens dans l’urgence de retrouver le serment d’Hippocrate de laisser les médecins en «leur âme et conscience» prescrire dans cette période, un médicament (même autre que l’hydroxychloroquine) même hors AMM (ils en ont le droit s’ils recueillent « le consentement éclairé » du patient). Ce n’est pas le moment de restreindre la prescription mais de rappeler les précautions et de travailler par recommandations. Beaucoup d’autres initiatives ont été prises depuis avec d’autres médicaments ayant obtenu l’AMM pour d’autres pathologies. La circulation du succès ou de l’échec des thérapeutiques mises en place dans le COVID 19 très tôt se fait et se fera entre les médecins généralistes inspirés de la recherche et de la pratique. Il est intéressant de les voir échanger, sur les plateformes, leurs expériences (Voir à titre d’exemples deux sites https://covigie.org/ ; https://stopcovid19.today/#corps-sanitaire ) .

Place en période de crise à l’imagination, au retour d’une liberté de prescription et de confiance.

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